Boycott des législatives par l’opposition :Il faut craindre pour la Guinée

Prévues pour le 16 février prochain, les législatives guinéennes  ne connaîtront pas la participation de l’opposition. En effet, le boycott annoncé en décembre dernier, s’est confirmé avec le non-dépôt de listes à la date de clôture, par les  grandes formations politiques qui, réunies au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) avec des organisations de la société civile, sont depuis plusieurs mois en croisade contre un troisième mandat du président Alpha Condé. En fait, l’opposition soupçonne le chef de l’Etat, de vouloir profiter de la situation pour faire passer son projet de modification de la Constitution censé lui ouvrir la voie à une possible candidature à sa propre succession. Aussi, dénonçant les conditions de transparence du scrutin, elle réclame «un fichier électoral assaini, un recensement correct (des électeurs) et un président de la Commission électoral moins partisan » pour réviser sa position. Faute de quoi, elle empêcherait la tenue du scrutin, en plus de ne pas y participer.

La démocratie ne se construit pas à coups de courses-poursuites et de jets permanents de gaz lacrymogènes dans la rue

Mais du côté du pouvoir, l’on n’entend pas les choses de la même oreille. En tout cas, c’est ce que l’on est porté à croire en entendant  le chef de l’Etat qui, récemment en visite à Kindia à l’intérieur du pays, n’a pas été tendre avec l’opposition dont les responsables, au passage, en ont pris pour leur grade face à la multiplication des marches auxquelles ils appellent leurs partisans : Morceau choisi : « Ils ne peuvent même pas faire 500 mètres à pied. Ils sont obligés de monter dans des véhicules. Donc, ne suivez pas ceux qui veulent ramener la Guinée en arrière… », avait-il notamment déclaré.  Et le président de la CENI n’est pas loin d’emboucher la même trompette quand il affirme : « Nous sommes déterminés à organiser les législatives à la date prévue du 16 février 2020 puisque nous sommes techniquement et matériellement prêts ». Une radicalisation des positions qui n’augure rien de bon pour la Guinée. C’est pourquoi il faut craindre pour ce pays. D’autant qu’outre les  traditionnelles marches qui n’ont jusque-là pas réussi à amener le chef de l’Etat à clarifier sa position, encore moins à renoncer publiquement au mandat querellé dont on lui prête l’intention, l’opposition promet, en plus du boycott, de changer de stratégie pour barrer la route à la forfaiture du locataire du palais Sékoutouréya. Comment et par quels moyens ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, elle annonce la multiplication des protestations à travers le pays à partir du 13 janvier prochain. Toute chose qui fait craindre une montée de la tension sociopolitique et un durcissement de ton entre les protagonistes, qui pourraient être hautement préjudiciables à la paix sociale.

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La Guinée n’a pas besoin de ça. Et la démocratie ne se construit pas à coups de courses-poursuites et de jets permanents de gaz lacrymogènes dans la rue. C’est pourquoi la classe politique guinéenne, dans son ensemble, est appelée à plus de responsabilités.  A commencer par le président Alpha Condé dont l’arrivée au pouvoir par les urnes, avait suscité l’espoir du changement tant attendu par les Guinéens.

On se demande si en boycottant ces législatives, l’opposition ne se tire pas une balle dans le pied

Mais le Professeur est en passe de se montrer pire que ses prédécesseurs qui peuvent avoir l’excuse d’avoir dirigé des régimes d’exception. Pour en revenir au boycott de ces législatives par l’opposition, que gagnerait la Guinée à mettre en place une Assemblée nationale monocolore ? Absolument rien, si ce n’est que la Représentation nationale censée contrôler l’action du gouvernement,  deviendra une caisse de résonnance de l’Exécutif qui se retrouvera sans véritable contre-pouvoir pour bien gérer la Nation. Si ce n’est pas un retour en arrière voire une tentative de retour à la pensée unique, cela y ressemble fort. Aussi, en s’obstinant à tenir ces élections dans des conditions aussi décriées, Alpha Condé ne rend pas service à la démocratie. Et tout porte à croire que même s’il réussit son passage en force, la Guinée ne sera toujours pas  sortie de l’auberge, tant on peut se convaincre que l’opposition ne se privera pas, le cas échéant, de lui pourrir son éventuel mandat. C’est pourquoi le président guinéen doit avoir la sagesse de son âge et éviter de céder à la boulimie du pouvoir. Car, en verrouillant le système à l’extrême et en n’offrant pratiquement aucune possibilité de véritable alternance à ses compatriotes, il ne donne finalement pas beaucoup de choix à l’opposition.

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Quant à Cellou Dalein Diallo et ses camarades, l’on se demande si en boycottant ces législatives, ils ne se tirent pas une balle dans le pied. Car, la politique de la chaise vide a aussi souvent montré ses limites. Et l’on se demande par quels moyens ils parviendront à empêcher la tenue du scrutin. En tout cas, on attend de voir.

 « Le Pays »

Moussa Diawara
Journaliste reporter d'images, administrateur Gl à reporterguinee.net Aime le voyage, la lecture, la découverte et le sport