Il est difficile de trouver des chiffres officiels sur le nombre d’hyménoplasties en Tunisie, une étude menée par une psychanalyste tunisienne estime que 20% des jeunes femmes tunisiennes seraient véritablement vierges et que 75% “des vierges médicalement assistées”.
Il est difficile de confirmer ces chiffres tant le sujet demeure tabou.
A Tunis, même dans les luxueuses cliniques, rares sont les femmes qui acceptent de parler du sujet.
Elles viennent souvent couvertes d’un long voile et portant de grosses lunettes de soleil.
Ce qui m’angoisse le plus c’est que je me trahisse moi-même, dans une conversation ou qu’il y ait des soupçons un jour. Personnellement j’ai eu une seule histoire et j’ai eu un seul rapport. Je ne me suis pas rendu compte vraiment de ce que j’ai fait, par rapport à mon milieu. Parce que je ne savais pas à quel point c’était important et quel impact ça avait. Si je lui dis maintenant (son fiancé) c’est sûr qu’il n’acceptera pas et c’est sûr qu’on annulera tout
Etudiante en littérature de 28 ans, Yasmine (nom d’emprunt) se marie prochainement. Issue d’une famille plutôt laïque et ayant vécu à l’étranger, elle a décidé de se confier à nous, pour se soulager dit-elle.
Elle a déboursé 900 dinars pour cette chirurgie soit 336 euros, économisés plusieurs mois à l’insu de sa famille et surtout de son futur mari.
Un docteur gynécologue a reconnu sous anonymat qu’il pratique des reconstructions d’hymen une à deux fois par semaine avec un pic avant la saison des mariages.
Selon lui, 99% de ses patientes viennent par peur des traditions. Ce qui a de quoi l’agacer.
“Les gynécologues font les reconstructions d’hymen, ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel, certains refusent. Moi personnellement j’accepte de les faire, ce n’est pas simple, j’ai des opinions contradictoires là-dessus. Il y a cette sacralisation de la virginité qui me gêne beaucoup. C’est quand même la manifestation de la domination masculine, sous couvert de principes religieux etc. Mais c’est quand même la domination masculine et c’est quelque chose que je combats totalement”, indique le médecin.
La patiente peut rentrer chez elle le jour-même et les complications sont rares.
En Tunisie, comme dans d’autres pays d’Afrique et du monde arabe, le fantasme de la virginité est un poids social important sur les femmes.
Malgré l’émancipation des femmes et une certaine égalité avec les hommes, pour la plupart des Tunisiens, la virginité jusqu’au mariage reste une condition sine qua non pour les femmes.
Les femmes, elles se marient assez tard, c’est-à-dire à l’âge de 30 ans, mais lorsqu’elles arrivent au mariage, elles arrivent pratiquement toutes vierges. La société tunisienne est une société qui est ouverte, il y a une certaine hypocrisie, il y a un certain conservatisme social qui est très troublant d’ailleurs compte tenu du degré de modernité. C’est dire que finalement, il n’y a pas tant de modernité que ça lorsqu’il est question de la sexualité des femmes et de sa liberté
Certaines familles demandent même des certificats de virginité.
C’est un paradoxe, selon la sociologue Samia Elloumi.
Même si cela n’est pas courant, la loi autorise un homme à demander le divorce pour non-virginité lors de la nuit de noce.
Parler du sujet est aussi tabou.
Il est très difficile d’obtenir des réactions dans la rue. C’est aux abords des universités que certaines personnes ont accepté de répondre à nos questions
Hichem agé de 29 ans compte se marier dans un an, sa hantise dit-il est de découvrir que son épouse n’est pas vierge.
Pour lui, c’est une question d’honneur.
“Pour moi c’est quelque chose d’important, si elle n’est pas vierge au mariage, j’aurais des toutes et je n’aurais plus jamais confiance en elle, c’est comme si elle m’avait trahi.
Pour les opérations, je ne crois pas que ça marche tant que ça”, indique le jeune homme.
Quant à Raidhouan, 25 ans, il considère que la société tunisienne est trop dure envers les femmes, les poussant à une chirurgie comme une honte :
“Pour moi tout ça c’est hypocrite, les garçons peuvent avoir des rapports avant le mariage par contre les filles, on les juge. Comme si le sexe de la femme, c’est ça le plus important. Le plus grave c’est que la plupart des jeunes ont des rapports avant le mariage »
BBC Afrique –
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