DU FRANC CFA À L’ECO : Évolution et renforcement de la servitude volontaire !

Lorsque le Président français Emmanuel Macron annonce la « réforme historique majeure 1 » du Franc CFA en précisant que « l’ECO verra le jour en 2020 », il a implicitement reconnu que le franc CFA était « perçu comme l’un des vestiges de la Françafrique », une arme invisible que l’ECO risque de préserver avec l’obligation de convertibilité de l’ECO en EURO via le Trésor français, une obligation postcoloniale restée inchangée. Cette réforme ne concernera pour le moment que les huit pays de l’Union économique monétaire ouest-africaine à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

Trois changements majeurs sont à noter :

  • le changement du nom avec le passage du Franc CFA à l’ECO ;
  • la fin de la centralisation de 50 % des réserves de change auprès du Trésor français accompagnée de la fermeture des comptes d’opération à la fin de 2020 ; et enfin
  • le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l’UEMOA, autrement dit la fin d’un droit de véto visible au sein du conseil d’administration de la zone franc en UEMOA.

Il faudra être vigilant que le FCFA considérée comme « l’arme invisible de la Françafrique 3 » n’évolue pas en un ECO, une arme invisible de la France postcoloniale. Ne faut-il pas rappeler que la première banque de la zone franc a vu le jour en 1953 au Sénégal et appartenait à des propriétaires d’esclaves qui ont troqué leur « titre de propriétés » des esclaves noirs contre des actions dans la première banque de la zone franc ? De même, l’ECO ne devrait plus avoir de lien informel ou direct avec le Trésor français.

1. FRANC CFA : USURPATION PAR l’UEMOA DE LA TERMINOLOGIE « ECO » CHOISIE PAR LA CEDEAO

Le franc CFA est une évolution de la tutelle française au cours d’une période postcoloniale où il a fallu trouver les chefs d’Etats africains près à systématiquement et subtilement parfois placer les intérêts français, les leurs propres et ceux de leurs réseaux clientélistes, avant ceux de leurs populations respectives. Né officiellement le 26 décembre 1945 d’une copie conforme des pratiques monétaires héritées du nazisme, ce Franc des Colonies françaises d’Afrique a systématiquement évolué au niveau des terminologies. Il fut question de Franc de la Communauté française d’Afrique en 1958, puis Franc de la Communauté Financière d’Afrique pour l’Afrique de l’Ouest et Franc de la Coopération Financière d’Afrique centrale pour bien marquer le fait que les deux zones sont tout sauf une zone d’intégration financière et la convertibilité entre ces deux zones se fait avec des pénalités exorbitantes, limitant sinon empêchant les échanges entre les deux zones.

C’est le 1er juin 1983 que la création de la monnaie commune – et dite « unique » – de la Communauté économique et de développement de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a pris corps à Conakry en Guinée. En 1999 à Lomé au Togo, il a été question de faire converger les pays non-membres de la zone franc vers une intégration dans une zone franc dite « élargie ». La réponse des pays anglophones comme le Nigéria et le Ghana a été sanglante. Il n’en est pas question.

La dénomination de la monnaie unique « ECO » était le nom choisi pour par les 15 pays de la CEDEAO pour désigner une monnaie régionale indépendante et sans lien avec la France. Le fait que certains chefs d’Etat francophones se soient usurpées cette dénomination sans prendre en compte les critiques acerbes des dirigeants des pays non membres pourraient à terme même remettre en cause l’unité de la CEDEAO. La fermeture des frontières jusqu’en fin janvier 2020 entre le Nigeria et les pays de la zone franc ayant des frontières communes avec celui-ci et les menaces de coupures d’électricité pour non-paiement des factures pour certains pays francophones dont le Togo ne sont que des signes annonciateurs d’un refus d’une tutelle directe ou indirecte de la France au sein de la CEDEAO. Cela n’exclut pas la servitude volontaire des dirigeants africains de l’UEMOA de se poursuivre sous d’autres formes plus subtiles.

Il y a donc eu usurpation du nom « ECO » par les chefs d’Etat francophones, qui font le pari perdu de voir les pays non-membres comme le Nigéria accepter une forme ou une autre de tutelle française. C’est oublier le niveau élevé de « nationalisme et patriotisme » des dirigeants nigérians confortés par un refus de concurrence déloyale des produits européens entrant au Nigeria par les pays de la zone franc.

Le Franc CFA des huit (8) pays de l’Union économique monétaire de l’ouest africaine (UEMOA 7), qui doit devenir l’ECO uniquement pour ces 8 pays francophones, s’apparente à une sorte de coup d’Etat monétaire contre les pays non-membres de la zone franc. Au sommet de la CEDEAO du 29 juin 2019 à Abuja au Nigeria, le nom ECO a été adopté pour l’ensemble des 15 pays membres. Pourtant ce sont les 8 pays de la zone franc qui ont pris l’initiative, conseillés ou forcés – c’est selon – pour annoncer l’évolution du FCFA en ECO avec une entrée en vigueur dès 2020.

2. LA CONSCIENTISATION DES PEUPLES ET LE RÔLE EFFICACE DES ACTIVISTES AFRICAINS

Les indépendances conquises et parfois octroyées dans les années 1960 à de nombreuses colonies africaines se révèlent aujourd’hui n’être qu’une indépendance juridique structurée autour de l’intangibilité des frontières coloniales établies par les puissances occidentales en 1885 à Berlin et une dépendance ésotérique, militaire et monétaire, voire culturelle.

Suite à une recrudescence ces dernières années de la contestation par le Peuple africain du rôle de la France dans les pays africains ayant accepté les accords secrets signés entre certaines anciennes colonies françaises en Afrique et l’ancienne puissance coloniale, le temps est venu de constater que si la France n’agit pas, elle sera surprise par la détermination des citoyens africains de l’intérieur comme de l’extérieur du continent, de trouver des solutions pour retrouver leur souveraineté par la réorganisation d’une nouvelle indépendance, notamment économique, militaire et demain culturelle.

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De nombreux activistes africains anticolonisation au rang desquelles Kémi Seba, sa femme Etouma Séba, Guy Marius Sagna ou encore récemment Nathalie Yamb interdit de séjour en France et expulsée de la Côte d’Ivoire suite à un discours de vérité lors du sommet Russie-Afrique de Sotchi en Russie (24 octobre 2019) sur les conséquences néfastes du la tutelle française sur le Franc CFA et les conséquences sur le retard de développement et d’épanouissement du Peuple africain ne suffisent plus à hypnotiser la critique envers l’usurpation d’une partie des richesses du Peuple africain par une oligarchie françafricaine ésotérique, politique, militaire, financier, économique et culturel. La vérité ne peut s’étouffer.

Certains intellectuels et anciens ministres africains ont offerts de nombreux arguments tentant à démontrer qu’au cours des 60 dernières années, les inconvénients du système de la zone franc ne compensent pas les avantages. Aussi, plus que des activistes, ils sont devenus les symboles des défenseurs de l’autodétermination politique et économique.

Personne ne peut affirmer que le Franc CFA ait contribué à l’industrialisation des pays de la zone franc, mais l’inverse n’est pas vérifié. Alors que la valeur ajoutée manufacturière du monde en 2018 était estimée par la Banque mondiale à 16 % de la part de la richesse mondiale (Produit intérieur brut), elle situerait entre 5 % (Burkina Faso) et 19 % (Sénégal) avec une moyenne autour de 10 % pour les 8 pays de l’UEMOA, identique à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et à la France en déclin industriel avec seulement 10 % de VAM entre 2010 et 2018 alors que l’Allemagne est passé de 20 % à 21 % au cours de la même période. En comparaison, le Togo est passé de 7 % à 8 % comme au demeurant le Nigeria, de 7 % à 8 % de VAM. La corruption et la mauvaise gouvernance des dirigeants africains, avec ou sans les corrupteurs étrangers, ne doivent pas être exclus du débat pour des raccourcis courts qui empêchent un débat sain.

3. LA NOUVELLE GARANTIE : LE CHOIX DU DIRIGEANT AFRICAIN QUI PROTÈGERAIT LE MIEUX LES INTÉRÊTS FRANÇAIS

Le problème de fond est que de nombreux chefs d’Etat et de dirigeants africains qui ont accepté le principe de la soumission volontaire au système de gouvernance de la France en Afrique ont rajouté une condition non écrite aux accords secrets : il s’agit de la corrélation entre :

  • d’une part, entre le maintien au pouvoir des dirigeants africains contre l’avis du Peuple africain par la modification de la Constitution en vigueur ou par la contre-vérités des urnes ; et
  • d’autre part, le soutien de la France à celui des dirigeants africains qui protègeraient au mieux les intérêts de la France que ce soit le secteur public et l’Etat français, comme au demeurant le secteur privé, notamment les multinationales françaises (les plus connus : AXA, BNP-Paribas, Bouygues, le groupe CFAO (Compagnie Française de l’Afrique de l’Ouest) Bolloré, France Telecom, Technip, Total ou leur prête nom africain)dont les liens avec l’Etat français n’ont jamais été imperméables.

Alors quand un chef ou plusieurs chefs d’Etat africains de la zone franc font des annonces, chaque citoyen africain doit systématiquement se poser la question suivante : est-ce que chacun des chefs d’Etat parle en priorité au nom de la majorité de sa population -locale comme dans la Diaspora- ou s’il parle d’abord et parfois sous contrainte au nom des intérêts étrangers, dont principalement une certaine France du secteur public comme du secteur privé ? Car que personne ne s’y trompe, ce ne sont pas les citoyens français, ni les citoyens africains qui avalise ces liens incestueux entre la France et certains pays ayant opté pour une gouvernance de la postcolonie. Ce sont les dirigeants des Etats (France comme Pays de la zone franc) et les dirigeants des multinationales installées en Afrique. Il faut donc s’abstenir de faire l’amalgame et idéaliser une lutte pour l’autodétermination du Peuple africain, même à l’intérieur des frontières héritées de la colonisation.

C’est donc en ayant en perspective ce passé non-soldé qu’il faut s’interroger sur la volonté de la France de concentrer sa réaction sur quelques chefs d’Etat africains prêts d’abord à écouter la France avant d’écouter leur Peuple. C’est ainsi que le choix ne s’est pas porté sur l’Afrique centrale mais sur l’Afrique occidentale.

4. PAS DE SOUVERAINETÉ MONÉTAIRE SANS DES ALTERNATIVES À LA FIN DES ACCORDS SECRETS

Il y a lieu de rappeler d’ailleurs que les trois zones monétaires du Franc lié à la France en Afrique sont les Comores, les pays d’Afrique centrale et celles de l’Afrique de l’Ouest.  Il y a donc en fait trois zones monétaires sous le contrôle partiel de la France en Afrique.

La vague de contestation et le fait d’interdire à tel ou tel activiste de se rendre librement dans tel ou tel pays n’arrêtera pas la contestation. Merci aux réseaux sociaux quels que soient leur faiblesse pour avoir neutralisé partiellement l’impact des médias « politiquement corrects » et alignés sur les lobbies et les oligarchies au pouvoir, tant en Afrique qu’en France. La prise de conscience que l’avenir de la jeunesse africaine en zone francophone est compromis et même « violé » par un système de gouvernance associant des dirigeants africains ayant comme priorité la défense des intérêts de la France avant celle des citoyens africains.

C’est dans ce contexte que l’annonce de deux chefs d’Etat sur le changement de nom de Franc CFA en ECO relève plus d’une annonce politique pour désamorcer partiellement une colère des populations africaines qui refusent que les dirigeants africains de la zone franc continuent de respecter les termes des onze principales composantes des accords secrets et iniques signés lors des indépendances juridiques à savoir :

4.1    Les pays de la zone franc devenus indépendants doivent payer en priorité une dette coloniale à la France. Cette dette justifiée unilatéralement par l’Etat français repose sur le remboursement des infrastructures, des actions diverses et des investissements et frais engagés par la France au bénéfice des pays colonisés ; ce remboursement de la dette coloniale s’est graduellement mué en une demande de retour sur investissement des 0,3 % de la richesse française (Produit intérieur brut) de l’aide française au développement et des prêts concessionnels ou non accordés, souvent sans véritables résultats pour les populations africaines.

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4.2    Le dépôt total ou partiel mais obligatoire et automatique des excédents et réserves financières des pays africains de la zone franc auprès du Trésor français via la Banque de France, ce depuis 1961, soit principalement des 15 pays concernés : le Bénin, le Burkina Faso, les Comores, la Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, le Congo-Brazzaville, la Guinée Equatoriale et le Gabon. C’est cela qui explique que la gouvernance des politiques monétaires de ces pays sont contrôlées et manœuvrées directement ou indirectement par la France via les banques centrales et les organes de pilotage monétaire dans les zones d’Afrique centrale CEMAC (communauté économique et monétaire d’Afrique centrale), les zones d’Afrique occidentale UEAMO (Union économique et monétaire ouest-africaine) et les Comores. L’essentiel de ces réserves internationales (de 100 % à 50 %) notamment les réserves de change ainsi que les frais induits liés à des risques financiers hypothétiques et déterminés unilatéralement par la France doivent passer par plusieurs comptes d’opérations (au moins cinq connus et d’autres secrets). La conséquence de cet état de fait et qu’au-delà de 20 % des fonds confisqués auprès du Trésor français qui unilatéralement fait des placements boursiers sans l’avis des dirigeants africains, il y a lieu de demander une autorisation pour dépenser son propre argent. Les pertes enregistrées à la Bourse par le Trésor français sont répercutées sur l’Afrique avec comme exemple la retentissante fermeture unilatérale de l’ensemble des banques rentables qu’étaient le réseau des BIAO (banques internationales pour l’Afrique Occidentale) alors que les bénéfices enregistrés par le Trésor français ne font l’objet d’aucune publication, encore moins de versement au profit des pays africains, tout au moins officiellement puisque les Banques centrales africaines sont interdites d’accéder à ces informations. Entre 500 et 1000 milliards de dollars des réserves africaines seraient détenues sans contreparties par le Trésor français. Même le feu Président Jacques Chirac en a fait l’aveu après en avoir profité : « Nous devons être honnêtes et reconnaître qu’une grande partie de l’argent dans nos banques viennent précisément de l’exploitation du continent africain ». Les décideurs africains peuvent librement décider sur les 20 % de leurs recettes placées auprès du Trésor français et au-delà, ils doivent emprunter leur propre argent à des taux du marché et la France disposait d’un droit de veto.

4.3     Le droit « d’achat » prioritaire de la France sur toute ressource naturelle dans les pays signataires des accords secrets, autrement dit, l’interdiction de choisir un partenaire compétitif pour exploiter les ressources africaines.

4.4    La priorité accordée aux entreprises françaises et plus globalement aux intérêts français notamment lors de l’attribution des marchés publics, ce qui excluent quasi-systématiquement les entreprises européennes et internationales, plus compétitives au risque, pour le chef d’Etat de se retrouver avec un coup d’Etat ou une rébellion savamment orchestrée. La réalité est que lorsque vous tentez d’identifier les dirigeants du secteur privé africain, vous risquez de ne rencontrer que des prête-noms ou carrément et ce de manière décomplexée, des immigrés français savamment appelées des « expatriées ».

4.5     L’exclusivité de la France de fournir des équipements militaires et de former les officiers militaires. Cela a pour conséquence que de nombreux militaires gradés font d’abord allégeance à leur chef français qui, parfois sont les premiers à décider des activités de « neutralisation des manifestations anti-chef d’Etat africain » ou de protection de ce même dirigeant au service de causes étrangères. La démocratie ne devient dans ces systèmes que l’ombre d’elle-même, une démocratie de façade basée sur la falsification de la vérité des urnes et des annonces d’inversion de résultats électoraux, ce avec l’approbation de l’ex-puissance coloniale. Il est difficile alors de parler d’armée républicaine puisque les formations à l’étranger ont pour mission première de créer des militaires obéissants d’abord à la France ou à celui que la France a désigné en Afrique francophone sous influence.

4.6     Le fait de considérer tout territoire en zone franc comme un base militaire où la France peut, sans aucune autorisation préalable du chef d’Etat africain, déployer des troupes gérées par l’exécutif français, sur une longue durée et d’intervenir militairement dans le pays pour défendre les intérêts français, publics ou privés, mais aussi du chef d’Etat s’il devait être menacé. Le cas du Togo avec le Président François Mitterrand choisissant de de remettre le feu général Etienne Eyadéma Gnassingbé au pouvoir (1991) en alors que celui-ci avait été destitué et le pouvoir était aux mains d’un gouvernement civil dirigé à l’époque par Joseph Koffigoh suite à une conférence nationale.

4.7    Au plan culturel l’obligation des dirigeants africains d’avoir le français comme la langue officielle du pays.

4.8     Au plan monétaire et financier, l’obligation pour les dirigeants africains de la zone franc de faire usage du Franc CFA et de ne détenir leur avoir en aucune autre devise sans une convertibilité et une déclaration à la France via les banques centrales et le Trésor français ; avec cette obligation, toute entreprise de la zone franc peut se voir bloquer ses commandes auprès d’un pays non français par un refus de convertibilité de ses avoirs placés auprès des banques centrales de la zone franc en Afrique. Autrement dit, avec l’obligation de convertibilité du Franc CFA et demain de l’ECO en Euro, il faut que tous les citoyens de la zone UEMOA sache que l’ECO ne sera pas convertible si la France le décide. Autrement dit, l’ECO ne sera pas reconnu par aucun pays de l’Union européenne, encore moins au plan international si la France le décide. Si c’est cela le retour de la souveraineté monétaire alors les chefs d’Etat qui ont opté pour ce choix doivent s’expliquer devant leur Peuple et démissionner si les Peuples le décident au motif que le passage du Franc CFA à l’ECO, présentée comme une évolution, relève au mieux d’une supercherie sur le nom puisque le taux de change fixe reste inchangé et au pire, d’une manipulation perverse où une dévaluation de 100 % pourrait intervenir lors de la fixation définitive de la valeur de l’ECO que la plupart des pays de l’UEMOA ont des difficultés à respecter la discipline monétaire fondée sur le respect des convergences monétaires.

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4.9     Au plan comptable et du recensement des avoirs africains, il y a dans les accords secrets de défense une obligation de fournir à la France l’état de toutes les transactions effectuées sous la forme d’un bilan annuel et surtout un état des excédents réalisés sous la forme d’un état des excédents de la balance des paiements et des réserves. Ces excédents sont intégrés dans le bilan de la France via le Trésor français.

4.10 Au plan militaire et de la sécurité nationale, tous pays de la zone franc et donc de l’UEMOA doivent renoncer à toute alliance militaire avec un autre pays ami, sauf s’il y a une autorisation expresse de la France. Mais face aux échecs répétés notamment en Centrafrique, Faustin-Archange Touadéra, le Président de ce pays, a réussi à obtenir l’appui des forces militaires russes, au grand dam de la France, une première brèche qui ne demande qu’à s’élargir. Mais en UEMOA, le poids de la servitude volontaire des chefs d’Etat est une constante difficile à soulever. Paradoxalement, lors de la guerre en Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo, ce dernier, a naïvement cru au respect des engagements de la France et n’avait pas trouvé indispensable de s’allier avec la Russie ou l’Afrique du sud. Chacun connaît aujourd’hui le choix effectué par la France à son dépens.

4.11 En cas de guerre et de conflit mondial, peu d’Africains le savent mais ils auront l’obligation de s’allier avec la France et de mourir pour elle en priorité, et se voir refuser par la suite les droits réservés aux rescapés de la guerre, comme lors des guerres de 1914-1918 et de 1939-1945.

5. EVOLUTION POLITIQUE NE SIGNIFIE PAS COURAGE POLITIQUE DES DIRIGEANTS

Si à côté de la modification du nom, il est prévu « l’arrêt de la centralisation de 50 % des réserves auprès du Trésor français » ainsi que le « retrait de la France « des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente », c’est que ce vol, car il faut bien appeler un chat un chat, ce vol des richesses africaines était devenu insoutenable tant pour la France que pour les dirigeants africains complices. L’avenir pourra alors soit identifier les boucs-émissaires uniquement au niveau des chefs d’Etat avec comme conséquences que les populations africaines devront elles-aussi cesser de se complaire dans le jeu du clientélisme dès lors que par cercles concentriques, chacun bénéficie de près ou de loin des subsides de ce vol en bandes organisées, au lieu de se consacrer à proposer des alternatives politiques crédibles et validées par la vérité des urnes.

Peut-on alors parler de courage politique pour la « réforme historique majeure » des propriétaires d’esclaves de mettre en œuvre la décision d’abolition de l’esclavage de 1848 en « libérant les esclaves » pour mieux les contrôler par les instruments d’une banque « commerciale et d’émission » ? Peut-on parler de courage politique des présidents français et africains de la zone franc lorsque le coût politique et d’image de leur capacité de nuisance collective ressentie par les populations africaines en zone franc était devenu insupportable ? Assurément pas ! Il y a eu un transfert de responsabilité. De même que le propriétaire d’esclaves n’avait plus d’obligation vis-à-vis d’un esclave « non performant » et donc « jetable » grâce au salariat, de même la mutation du Franc CFA en ECO pourrait transférer l’entière responsabilité de la mauvaise gouvernance et ses conséquences sur les dirigeants africains, notamment ceux qui continue d’accepter la servitude volontaire par l’obligation de convertibilité restée pour le moment inchangée !

6. LA SERVITUDE VOLONTAIRE NE RELÈVE NI DE LA LIBERTÉ, NI DE LA DÉMOCRATIE

Au-delà de la déclaration politique faite par les représentants de la France et de l’UEMOA, la nouvelle monnaie ECO conservera une parité fixe avec l’EURO, ce qui devrait refroidir le Nigeria, le Ghana et peut-être pas la Guinée si la France soutient la modification de la Constitution en cours par le Président guinéen, Alpha Condé, activement intéressée à la réalisation d’un troisième mandat contrairement à la Loi fondamentale actuelle de son pays.

La longue marche des Africains vers leur autodétermination subira d’autres soubresauts. Mais le seul fait d’avoir conduit à une modification des arrangements institutionnels ne signifie pas que le « cordon ombilical » est coupé, mais consolidé avec l’obligation de convertibilité de l’ECO garantie par le France. Mais cette garantie de la France ne reposera plus sur les réserves de change. En réalité, la garantie n’a pratiquement jamais joué. Donc la vraie garantie risque d’être politique, c’est-à-dire que la France devra s’assurer qu’il n’y ait aucune alternance politique où des responsables africains remettraient en cause les accords secrets avec la France. La contre-vérité des urnes a encore de l’avenir si les Peuples africains ne prennent conscience de structurent la désobéissance civile face aux élections réalisées dans une environnement de la « paix des cimetières ».

Le discours de Patrice Lumumba donc reste d’actualité : « Africains, levons-nous !  ». Les Africains indépendants et non-adeptes de la servitude volontaire devront rester vigilants et se méfier des opposants alimentaires. La crédibilité des chefs d’Etat africains ne peut reposer sur la servitude volontaire.

Lorsque la France annonce qu’elle se retire officiellement des instances de gouvernance mais qu’elle reste l’unique garante des arrangements financiers de l’UEMOA par la voie de l’ouverture d’une « ligne de crédit 17 », il n’y a manifestement pas d’émancipation monétaire des pays de l’UEMOA. Aussi, la mutation du Franc CFA à l’ECO est certes une évolution imposée par la pression de la rue, mais s’apparente à un renforcement de la servitude volontaire. Il n’y a lieu rien qui s’apparente à une amélioration en termes de liberté d’autodétermination, encore moins en termes de démocratie.

7. FCFA OU ECO : ATTENTION À LA MANIPULATION DU NOM, DES INSTITUTIONS ET DES EXPERTS

En Afrique, les « morts » ne sont pas « morts » ! De même et selon le Professeur Mamadou Koulibaly, le Franc CFA n’est pas mort 18 ». Est-ce que tout ce remue-ménage n’annonce pas la volonté de certains chefs d’Etat d’évoluer vers le Franc de la CEDEAO en commençant par l’ECO de l’UEMOA?

Certains experts économistes pourraient, à force de tenter de jouer la carte du politiquement correct se retrouver piéger dans un système de manipulation du nom, des institutions et nécessairement des experts du Franc CFA. YEA.

24 décembre 2019.

Dr. Yves Ekoué AMAÏZO

Directeur Afrocentricity Think Tank

Moussa Diawara
Journaliste reporter d'images, administrateur Gl à reporterguinee.net Aime le voyage, la lecture, la découverte et le sport